L'égalité n'est évidemment pas l'identité : l'égalité peut se dire en fait ou en droit, mais à chaque fois elle se réfère, même implicitement, à une norme de comparaison, quand l'identité supposerait plus qu'une ressemblance, une exacte similitude.
Ranger les êtres humains par catégories suppose toujours une décision aux enjeux à la fois épistémologiques et éthiques. En disant ce qu'est une chose, a fortiori ce qu'est un être humain, on dit à la fois ce qu'ils ne sont pas et ce qui n'en est pas : « définir c'est nier », comme disait le philosophe Spinoza (1632-1677). Or, telle est bien la perspective qui sous-tend toute volonté de classer les êtres humains en genres sexués. L'histoire a montré combien les préjugés ont prévalu, le plus souvent en dévalorisant le statut des femmes, réputées passives ou dépourvues de raison. Certains anatomistes du XVIIIe siècle allaient même jusqu'à identifier leur conformation génitale à un sexe masculin inversé !
Au XXe siècle, on doit à la philosophe Simone de Beauvoir (1908-1986), notamment, une remise en cause de l'évidence des différences entre les genres masculin et féminin. L'idée de genre se décline de fait biologiquement, grammaticalement et culturellement. Le sexe biologique, soumis du reste à des variations statistiques, ne fait pas uniment le comportement culturel ou la personnalité. D'ailleurs, selon les cultures, la distribution des genres pour des objets par définition neutres varie : selon les langues, « voiture », par exemple, est masculin ou féminin. Dans Le Deuxième Sexe, publié en 1949, Simone de Beauvoir écrit : « On ne naît pas femme : on le devient. » Elle précise : « aucun destin biologique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c'est l'ensemble de la société qui élabore ce produit intermédiaire ente le mâle et le castrat que l'on qualifie de féminin. »
D'ailleurs, cette assignation à un destin historiquement construit et donc variable a des effets réciproques sur la masculinité, comme l'ont soutenu également la philosophe Élisabeth Badinter dans XY - De l'identité masculine (1992) ou le sociologue Pierre Bourdieu dans La Domination masculine (1998). Cette dernière expression ne désigne pas seulement les effets du patriarcat sur la condition des femmes, mais également le fait que les hommes se voient à leur tour assignés à des conditionnements identitaires qu'ils croient naturels, alors qu'ils sont le fait des cultures qui les façonnent.
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